Qualité de victime LAVI et octroi d’un hébergement d’urgence en cas de menaces de suicide proférées par le conjoint
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Gender Law Newsletter FRI 2024#3, 01.09.2024 - Newsletter abonnieren
SUISSE: AIDE AUX VICTIMES DE VIOLENCE
Contribution invitée de Me Priscille Ramoni[1] relative à l'arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 2024 (1C_653/2022), destiné à la publication. Cette contribution a été publiée initialement dans la Newsletter DroitMatrimonial.ch du 29 août 2024.
Cette contribution résume (I et II) et analyse (III) un arrêt par lequel le Tribunal fédéral a estimé qu'une femme avait droit à une aide immédiate suite à des menaces de suicide proférées par son conjoint.
I. Objet de l’arrêt
L’arrêt 1C_653/2022 destiné à la publication vise à déterminer si une femme, victime de menaces de suicide répétées de son conjoint, a droit à une aide immédiate (au sens des art. 13 al. 1 et 14 al. 1 LAVI) sous la forme d’un hébergement d’urgence.
Dans un premier temps, le Tribunal fédéral analyse les questions relatives à la qualité de victime, en particulier en cas d’atteinte psychique (consid. 4), puis le lien de causalité entre l’infraction et l’atteinte (consid. 5). Il examine ensuite les autres conditions d’octroi de l’aide immédiate sous forme d’un hébergement d’urgence (consid. 6).
II. Résumé de l’arrêt
A. Les faits
A. et B. se sont mariés le 1er juin 2006 au Kosovo. Deux enfants sont issus de leur union. Après que B. a menacé à plusieurs reprises de se suicider en réponse aux tentatives de séparation de A., celle-ci s’est installée avec ses deux enfants dans un hébergement d’urgence, la maison E., le 1er juillet 2021.Par requête du 5 juillet 2021, A. a demandé au centre de consultation pour l’aide aux victimes, rattaché au Service des affaires sociales et sociétales du canton de Lucerne (ci-après : DISG), dans le cadre de l’aide immédiate, une garantie de prise en charge des frais à hauteur de CHF 12’600.- pour un hébergement d’urgence dont elle et ses enfants ont bénéficié dans la maison E. durant la période du 1er juillet 2021 au 4 août 2021.
Par courriel du 8 juillet 2021, le DISG a informé la maison E. que les conditions pour la garantie de prise en charge des frais n’étaient pas remplies. Après un entretien téléphonique du 14 juillet 2021 avec une collaboratrice de la maison E., le DISG a rejeté la requête par courrier du 26 juillet 2021. Parallèlement, A. a été informée de la possibilité de demander une décision susceptible de recours et de déposer des documents et des preuves supplémentaires. L’attention de A. a été attirée sur la possibilité de requérir le prononcé d’une décision formelle à cet égard, susceptible d’être attaquée par un recours. Après avoir requis la prise d’une telle décision par courrier du 7 août 2024, la requête de prise en charge financière de l’hébergement d’urgence formulée par A a finalement été rejetée par le DGIS par décision du 29 décembre 2021.
A. a déposé un recours de droit administratif contre cette décision auprès du tribunal cantonal de Lucerne. Celui-ci a rejeté le recours par un arrêt du 26 octobre 2022.
Par recours en matière de droit public adressé au Tribunal fédéral le 9 décembre 2022, A. a conclu à ce que le jugement du Tribunal cantonal du 26 octobre 2022 soit annulé et à ce que sa demande d’aide immédiate du 5 juillet 2021 soit admise.
B. Le droit
1. Contexte conjugal (consid. 3.1)
Consid. 3.1. En résumé, les faits à la base de l’aide immédiate demandée sont les suivants : Après avoir appris de son mari de l’époque qu’il avait contracté le VIH lors de rapports sexuels hors mariage, la recourante a voulu se séparer de lui. Son souhait de se séparer, et de divorcer, s’est heurté à la résistance de son mari et a donné lieu à des conflits importants. Concrètement, trois incidents ont été décrits, au cours desquels le mari a proféré des menaces de suicide en rapport avec le souhait de séparation exprimé par son épouse. Après le troisième incident, survenu le 29 juin 2021, celle-ci a contacté la maison d’accueil pour femmes de Lucerne, qui l’a orientée vers la maison E., où elle a été accueillie avec ses deux fils le 1er juillet 2021.
2. Décision attaquée (consid. 3.2)
Consid. 3.2. Dans cette affaire, est d’abord litigieuse la question de savoir si la recourante dispose de la qualité de victime au sens de l’art. 1 al. 1 LAVI. L’instance précédente a admis l’existence d’une infraction (contrainte au sens de l’art. 181 CP) au sens de la loi sur l’aide aux victimes d’infractions. Il convient toutefois d’examiner si l’instance précédente était en droit de nier la gravité suffisante de l’atteinte psychique (consid. 4) et le lien de causalité entre l’infraction et l’atteinte (consid. 5). Il convient ensuite d’évaluer les autres conditions d’octroi de l’aide immédiate sous forme d’un hébergement d’urgence (consid. 6).
3. Qualité de victime
3.1 Atteinte à l’intégrité psychique (consid. 4)
Consid. 4. La recourante reproche à l'instance précédente d'avoir nié à tort la gravité suffisante de l'atteinte à l'intégrité.
Consid 4.1. Selon l’art. 1 al. 1 LAVI, toute personne qui a subi, du fait d’une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (victime) a droit au soutien prévu par cette loi (aide aux victimes). Les exigences relatives à la preuve de la qualité de victime varient en fonction du moment, de la nature et de l’étendue de l’aide qui est sollicitée. Un droit à l’indemnisation ou à la réparation morale au sens de l’art. 2 let. d et e, de même que de l’art. 19 ss. LAVI, n’existe que si la présence d’une infraction est tenue pour établie. Si aucune procédure pénale n’a été ouverte, le degré de preuve requis se limite à la vraisemblance prépondérante pour prouver la qualité de victime lors de l’évaluation d’une indemnisation ou d’une réparation morale (ATF 144 II 406 consid. 3.1 et les références citées). Pour que les conseils et l’aide immédiate ainsi que l’aide à plus long terme des centres de consultation au sens de l’art. 2 let. a et b LAVI puissent remplir leur but, ils doivent être accordés rapidement, avant qu’il ne soit définitivement établi qu’il y a eu un comportement constitutif d’une infraction et contraire au droit (cf. ATF 125 II 265 consid. 2c/aa et les références citées ; également ATF 143 IV 154 consid. 2.3.3). Lors de l’octroi de l’aide immédiate, il suffit donc qu’une infraction fondant la qualité de victime entre en ligne de compte. La preuve à apporter dans ce contexte doit atteindre le degré de la vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral 1C_254/2023 du 14 décembre 2023 consid. 3.3 et les références citées). Une infraction est rendue vraisemblable lorsqu’il existe une certaine probabilité qu’elle existe sur la base d’indices objectifs, même si le tribunal envisage encore la possibilité qu’elle ne se soit pas réalisée (cf. ATF 144 II 65 consid. 4.2.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_254/2023 du 14 décembre 2023 consid. 3.3 et les références citées).
Consid. 4.2. La contrainte au sens de l'art. 181 CP constitue une infraction susceptible de porter directement atteinte à l'intégrité psychique de la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_492/2015 du 2 décembre 2015 consid. 1.2.3). Selon la jurisprudence, l'atteinte doit être d'une certaine intensité. Il ne suffit pas que l'atteinte au bien-être psychique soit légère ; seules des atteintes psychiques de courte durée, ne dépassant pas le moment de l'acte (telles que la peur, l'effroi, la colère ou les désagréments) ne permettent pas de fonder la qualité de victime (cf. ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1 ; 120 Ia 157 consid. 2d/aa ; Office fédéral de la justice (OFJ), Guide relatif à la fixation du montant de la réparation morale selon la loi sur l’aide aux victimes du 3 octobre 2019, p. 5 et 16 ; MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 3e éd. 2023, n. 13 ad art. 116 CPP). Ce n'est pas la gravité de l'infraction qui est déterminante, mais le degré d'atteinte de la personne lésée, raison pour laquelle de simples voies de fait peuvent aussi fonder la qualité de victime si elles entraînent une atteinte psychique non négligeable (ATF 131 I 455 consid. 1.2.2 ; 128 I 218 consid. 1.2 ; 125 II 265 consid. 2a/aa). L’examen de la réalisation de cette condition dépend largement des circonstances du cas d’espèce (ATF 120 Ia 157 consid. 2d/aa et les références citées).
Ce qui est décisif, c'est de savoir si l'atteinte à l'intégrité physique, sexuelle ou psychique de la personne lésée justifie le besoin légitime de recourir – totalement ou du moins partiellement – aux offres d'aide et aux droits de protection de la loi sur l'aide aux victimes (ATF 134 II 308 consid. 5.5 ; 131 I 455 consid. 1.2.2 ; 128 I 218 consid. 1.2 et les références citées).
Consid. 4.3. L'instance précédente ne remet pas en question le fait que l'état psychique et mental de la recourante a été altéré par les infractions. La conclusion de l'instance précédente, selon laquelle l'intensité de l'atteinte psychique de la requérante requise pour admettre sa qualité de victime n'a été ni établie objectivement ni rendue subjectivement vraisemblable, ne résiste toutefois pas à l'interdiction de l'arbitraire.
Consid. 4.3.1. Dans la mesure où les exigences relatives à la preuve des conditions d'octroi ne doivent pas faire obstacle au but de la prestation, une prestation urgente telle que l'aide immédiate doit être fournie même si l’état de fait n'est pas totalement clair (cf. DOMINIK ZEHNTNER, in : Stämpflis Handkommentar, Opferhilferecht, 4e éd. 2020, N. 7 ad art. 14 LAVI). Il suffit qu'il existe des indices qui plaident en faveur d'une atteinte non négligeable à l'intégrité psychique, même si l'on peut encore s'attendre à ce qu'un examen approfondi ne permette pas d'établir l'atteinte à l'intégrité alléguée (concernant le degré de preuve de la vraisemblance, cf. consid. 4.1 ci-dessus). En cas de doute, une prestation urgente d'aide aux victimes doit être fournie (cf. ZEHNTNER, op. cit., n. 7 ad art. 14 LAVI). Cela est d'autant plus vrai pour les personnes victimes d'un préjudice exclusivement psychique, en particulier parce que les atteintes à l'intégrité psychique ne peuvent être constatées dans certains cas que par un examen psychiatrique minutieux (cf. THOMAS MAURER, Das Opferhilferecht und die kantonalen Strafprozessordnungen, ZStrR 111/1993, p. 381). Au moment de l’octroi de l’aide immédiate, il ne peut donc pas être exigé qu’un diagnostic concret à valeur de maladie, ou un trouble mental nécessitant un traitement, ait déjà été établi. Cela irait à l’encontre de l’efficacité de l’aide aux victimes. L'approche centrée sur la victime de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions, en particulier l'accent mis sur l'effet de l'infraction sur la victime et sur son intégrité, ne doit pas conduire à poser des exigences excessives en ce qui concerne la preuve de l'intensité de l'atteinte ou la description des effets individuels et concrets du comportement contraignant.
Consid. 4.3.2. Certes, il ne ressort pas des explications de la recourante et des documents invoqués à son appui (en particulier le rapport du Dr. F.et la note de la DISG relative à un entretien téléphonique avec une collaboratrice de la maison E. du 14 juillet 2021) que des symptômes et des diagnostics concrets attestent de son atteinte psychique, comme par exemple un état d'anxiété grave, des problèmes de sommeil ou des difficultés de concentration. Toutefois, comme cela a été formulé de manière pertinente par la recourante dans l’un de ses griefs, sa situation présente différents indices, lesquels constituent des éléments suffisants pour conclure à une atteinte non négligeable à son intégrité psychique. Ainsi, il ressort du dossier et de la demande du 5 juillet 2021 qu'elle a suivi un traitement psychologique et qu'elle a été en congé maladie, et en incapacité de travail, pendant une certaine période. Il ressort du rapport de son psychothérapeute traitant, le Dr. F. spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qu'elle aurait été par moments sous une telle menace de la part de son mari qu'il avait dû lui conseiller d'aller chercher de l'aide dans un centre d'hébergement d'urgence. Un autre indice d'une atteinte non négligeable à l'intégrité est le témoignage – même s’il est général – de la collaboratrice de la maison E. selon laquelle la requérante présenterait tous les symptômes dont souffrent les victimes de violence domestique. Il ressort d’ailleurs déjà de sa requête qu'elle était très inquiète pour son mari, qu'elle se sentait responsable et qu'elle craignait que les enfants ne perdent leur père. Par peur, elle a alerté la police après le deuxième incident, lorsque le mari a quitté le domicile avec des médicaments. Elle était au bord de la crise de nerfs, si bien qu'après le troisième incident, elle a cherché refuge, en désespoir de cause, dans la maison E.
Consid. 4.3.3. Dans ce contexte, la gravité de la souffrance psychique est en tout cas rendue vraisemblable, et ce d'autant plus que le comportement réitéré de contrainte apparaît également, d'un point de vue objectif, comme une atteinte non négligeable à l'intégrité psychique, qui provoquerait des situations de stress considérables chez la plupart des gens.
Les actes de contrainte répétés et systématiques sous forme de menaces de suicide sur une certaine période sont – du moins dans leur conjonction – tout à fait susceptibles d'entraîner une atteinte non négligeable à l'intégrité psychique justifiant la demande.
En considérant les éléments présents au dossier, l’on ne saurait admettre que l'atteinte portée à la recourante, par les contraintes répétées, n'atteint pas l'intensité requise pour qu'elle soit considérée comme une victime. En l'occurrence, il ne peut être question d'une atteinte minime et de courte durée à son intégrité psychique, mais il semble compréhensible que ses souffrances psychiques aient atteint un certain niveau, sans quoi elle n'aurait pas non plus eu recours à un traitement psychologique. La question de savoir si l'atteinte résulte également des infractions (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6S.255/2006 du 15 novembre 2006 consid. 2.3), et donc si celles-ci sont la cause de l'atteinte psychique, est une autre question qui doit être jugée ci-après (cf. consid. 5 ci-après).
Consid. 4.3.4. Les autres arguments avancés par l'instance précédente en relation avec la prétendue absence de sévérité de l'atteinte à l'intégrité ne sont pas non plus convaincants. Dans la mesure où elle tente de relativiser l'atteinte suffisamment grave à l'intégrité par le fait que la recourante n'a pas été en même temps victime de violences physiques, l’instance précédente se trompe d'emblée au regard de la notion légale de victime de l'art. 1 al. 1 LAVI.
L'instance précédente reconnaît certes que les menaces de suicide proférées par le mari en réponse aux souhaits de séparation exprimés par la recourante ont à chaque fois provoqué une restriction de sa liberté d'action et de décision. Malgré cela, elle aurait finalement réussi à imposer son souhait de séparation et de divorce. Contrairement à l'instance précédente, on ne peut toutefois pas en conclure que l'atteinte à l'intégrité n'était pas suffisamment grave.
Avec cette argumentation, l'instance précédente méconnaît par ailleurs – comme la recourante le démontre de manière convaincante – le fait qu'elle n'y est parvenue qu'après avoir rejoint l’hébergement d'urgence et avoir pu créer la distance nécessaire avec son mari. L’instance précédente ne peut pas non plus être suivie dans la mesure où elle remet en question l’intensité suffisante de l'atteinte psychique par le fait que la recourante a réintégré le foyer conjugal dès le 8 juillet 2021 parce que les enfants ont pu partir en vacances avec leur père pendant trois semaines. La recourante a expliqué de manière plausible qu'en raison de l'absence de son mari pour les vacances, elle avait pu retourner au domicile conjugal sans être davantage mise sous pression par celui-ci. De plus, elle n’avait pas voulu faire peser davantage cette situation sur les enfants, raison pour laquelle elle avait voulu rendre possibles les vacances prévues avec le père. De même, le fait que le déménagement définitif dans un appartement seule n'a eu lieu qu'en novembre ou décembre 2021 ne laisse aucun doute sur le fait que la recourante était, au moment de son entrée dans la maison E., si gravement atteinte dans sa santé psychique qu'une aide immédiate sous forme d’un hébergement d'urgence était justifiée. Après le séjour temporaire dans la maison E., la situation entre les époux s'est quelque peu apaisée et le mari a par la suite accepté de divorcer. Le fait que la procédure de divorce se soit déroulée rapidement et d'un commun accord ne permet pas plus de douter de la présence d’une atteinte à l'intégrité suffisamment grave au moment de l'entrée dans l’hébergement d'urgence, contrairement à ce qu'affirme l'instance précédente.
Consid. 4.3.5. En conclusion intermédiaire, on ne comprend pas comment l'instance précédente a pu conclure, sur la base des éléments au dossier, qu'aucune atteinte suffisamment importante à l'intégrité psychique n'avait été rendue crédible au moment de l'entrée dans le centre d'hébergement d'urgence. L'appréciation des preuves effectuée par l'instance précédente ne résiste donc pas à l'interdiction de l'arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF ; consid. 2.2 ci-dessus).
Consid. 4.4. Dans la mesure où la décision attaquée se fonde sur des critères d'intensité de l'atteinte différents selon l'aide sollicitée, elle se révèle également contraire au droit fédéral. Ainsi, l'instance précédente considère qu'il est douteux que l'atteinte à l'intégrité engendrée par la menace de suicide ait été si grave que la « fuite » dans la maison E. ait été la seule option possible en tant qu’aide d’urgence. À ce sujet, la DISG renvoie à l'offre de consultation gratuite du centre d'aide aux victimes. Il n’est toutefois pas possible de partir du principe que l’ampleur ainsi que la gravité de l’atteinte et donc la qualité de victime sont soumises à des exigences plus ou moins élevées selon le type et le coût de la prestation d’aide. Le statut de victime comme condition d'octroi des prestations d'aide exclut toute gradation en fonction de la nature et de l’étendue de la prestation fournie. Soit la personne concernée est considérée comme victime au sens de l'art. 1 al. 1 LAVI, soit elle ne l'est pas. La question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure le recours à un hébergement d'urgence était nécessaire et approprié, doit être examinée lors de l'appréciation des conditions d'octroi de l'aide immédiate (cf. consid. 6 ci-après).
3.2 Lien de causalité (consid. 5)
Consid. 5. La recourante fait en outre valoir que l'instance précédente a nié à tort l'existence d'un lien de causalité entre l'infraction et l'atteinte à la santé psychique (atteinte à l'intégrité).
Consid. 5.1. A cet égard, l'instance inférieure affirme qu'il ne ressort ni des déclarations de la recourante, ni des documents produits, que le déménagement temporaire, c’est-à-dire le séjour dans la maison E., ait été la conséquence directe de la (tentative de) délit et la seule réponse à celui-ci. Lors des deux premiers incidents où le mari a exprimé son intention de se suicider, il n'y a pas eu de séparation physique. Ces événements ne sont pas directement liés à l'entrée dans la maison E. Ce n'est que le troisième incident, fin juin 2021, décrit de manière très succincte, qui aurait conduit à l'emménagement dans l’hébergement d'urgence. L'instance inférieure ne voit pas dans quelle mesure l'intégrité de la recourante aurait été plus gravement atteinte lors du troisième incident, ou dans quelle mesure l'atteinte subie lors des deux premiers incidents – alors qu'elle n'avait pas quitté le logement commun – aurait été renforcée de manière déterminante. En résumé, l'instance inférieure arrive à la conclusion qu'aucun élément du dossier n'indique que la recourante aurait été atteinte dans son intégrité psychique au moment de la séparation (temporaire) du couple fin juin/début juillet 2021 en raison d'une (nouvelle) menace de suicide et qu'elle aurait été contrainte de fuir dans la maison E. pour protéger son intégrité.
Consid. 5.2. Pour que le lien de causalité (naturelle) soit admis, il n'est pas nécessaire que le comportement incriminé soit l'unique cause de l'atteinte à l'intégrité ; il suffit qu'il ne puisse pas être écarté, du moins en tant que cause partielle, sans que l'atteinte psychique survenue ne disparaisse également (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2020 du 8 septembre 2020 consid. 3.3.1 ; 1A.230/2006 du 5 juin 2007 consid. 3.1 ; jurisprudence analogue en droit de l'assurance-accidents : ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 129 V 402 consid. 4.3.1). Une éventuelle situation (familiale) difficile préexistante peut donc être prise en compte. Il en va de même pour la causalité adéquate, selon laquelle l'événement dommageable doit, au moins en tant que cause partielle, être de nature à entraîner une atteinte psychique selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie. Il ne faut pas appliquer un critère trop strict, mais un critère conforme à la réalité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A.230/2006 du 5 juin 2007 consid. 3.2 s. ; jurisprudence analogue en droit de l'assurance-accidents : ATF 129 V 177 consid. 3.3).
Consid. 5.3. Il convient d'admettre avec la recourante que les actes de contrainte répétés doivent être appréciés dans leur ensemble, lesquels – du moins considérés globalement – semblent susceptibles d'avoir des répercussions non négligeables sur son intégrité psychique. Le fait que les deux premiers actes de contrainte n'aient pas conduit à un éloignement géographique ou à une suppression temporaire du ménage n'est pas pertinent. L'argument de l'instance inférieure selon lequel la recourante était déjà en traitement psychologique au moment du troisième incident, ce qui indique que l’atteinte psychique a eu lieu plus tôt et a éventuellement duré, n'est donc pas recevable. Ainsi, il n'est pas possible de se baser isolément sur le troisième incident avec menace de suicide, mais il faut prendre en compte l'ensemble des actes de contrainte dans le sens d'une considération globale. La date exacte du premier incident n'est certes pas connue. Étant donné que le deuxième incident a eu lieu en mai 2021 et que le début du traitement psychologique chez le Dr. F. se situe à peu près dans la période en question, il est tout de même vraisemblable que les actes de contrainte ont été au moins partiellement la cause de l'atteinte à l'intégrité.
Consid. 5.4. Dans la mesure où il s'agit de l'aide immédiate, l’abaissement du degré de preuve s’applique également en matière de lien de causalité. Il n’est pas pertinent de procéder à des investigations complexes pour pouvoir déterminer si un besoin d'aide doit être qualifié de conséquence d'une infraction, alors que, pour qu’elle puisse être bénéfique, la prestation doit être fournie immédiatement (cf. ZEHNTNER, op. cit., n. 9 ad art. 14 LAVI, selon lequel seule l'absence manifeste de lien de causalité peut conduire à un refus de prestation). Il n'est pas nécessaire de déterminer si l'on peut renoncer à l'examen de l'adéquation dans le cadre de l'aide immédiate (cf. dans ce sens : ZEHNTNER, op. cit., n. 4 ad art. 14 LAVI). Il apparaît en tout cas vraisemblable que les contraintes répétées et systématiques exercées par le mari ont été la cause de l'atteinte psychique de la recourante, d'autant plus que, même considérées objectivement, elles apparaissent comme des atteintes non négligeables à son intégrité psychique, qui, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie – du moins considérées dans leur ensemble – étaient susceptibles de conduire à une atteinte psychique d'une intensité suffisante. En conclusion, la négation du lien de causalité par l’instance précédente ne résiste pas au droit fédéral.
3.3 Hébergement d’urgence (consid.6)
Consid. 6. Enfin, la requérante fait valoir qu'il existe en l'espèce un droit à une aide immédiate sous la forme d'un hébergement d'urgence.
Consid. 6.1. Selon l'art. 13, al. 1, LAVI, les centres de consultation fournissent immédiatement à la victime et à ses proches une aide pour répondre aux besoins les plus urgents découlant de l'infraction (aide immédiate). Selon l'art. 14, al. 1, LAVI, les prestations comprennent l’assistance médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique appropriée dont la victime ou ses proches ont besoin à la suite de l'infraction et qui est fournie en Suisse. Si nécessaire, les centres de consultation procurent un hébergement d'urgence à la victime ou à ses proches.
Consid. 6.2. L'aide immédiate sert à couvrir les besoins les plus urgents résultant d'une infraction (cf. message fédéral du 9 novembre 2005 concernant la révision totale de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI), FF 2005 6683, p. 6730 [ci-après: message révision totale LAVI]). Selon la jurisprudence, l'aide immédiate doit toujours être fournie lorsque la situation de la victime, résultant directement de l'infraction, exige une mesure qui ne peut être différée, tant du point de vue matériel que temporel (arrêt du Tribunal fédéral 1C_169/2007 du 6 mars 2008 consid. 2.2 avec référence). Il s'agit donc essentiellement de mesures de première nécessité (cf. recommandations de la Conférence suisse des offices de liaison de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions (CSOL-LAVI) pour l'application de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI) du 21 janvier 2010 [ci-après: recommandations CSOL-LAVI], p. 21, chapitre 3.3.2).
Consid. 6.3. L'offre d’hébergement d'urgence est une catégorie d'aide spécialement mentionnée dans la loi. Le législateur a voulu ainsi, en réponse à une motion parlementaire, encourager et soutenir financièrement les maisons d'accueil pour femmes. Un hébergement d'urgence peut être nécessaire notamment en cas de délits au sein de la famille (cf. message révision totale LAVI, p. 6731; cf. aussi ZEHNTNER, op. cit., n. 2 ad art. 14 LAVI). Le droit minimal à un tel hébergement dans le cadre de l'aide immédiate a entretemps été augmenté à 35 jours dans les recommandations de la CSOL-LAVI (cf. recommandations CSOL-LAVI, p. 22, chapitre 3.3.2, adaptation au 1er Janvier 2020)
Consid. 6.4. En cas de séjour dans un hébergement d'urgence, il convient, en raison des circonstances particulières du cas d'espèce, d'apporter une aide proportionnée par rapport à d'autres mesures. L'aide d'urgence sous forme d'hébergement d'urgence n'est donc fournie que si elle est nécessaire, appropriée et adéquate. Le but visé doit pouvoir être atteint par la mesure, sans quoi celle-ci serait inutile et inadéquate (cf. message révision totale LAVI, p. 6731; ZEHNTNER, op. cit., n. 5 concernant l'art. 14 LAVI). Ces conditions du droit doivent également être rendues crédibles (cf. consid. 4.1 et 4.3.1 ci-dessus).
Consid. 6.5. Tant le psychothérapeute traitant de la recourante que la collaboratrice de la maison E. qui a fourni les renseignements ont considéré le séjour dans l'hébergement d'urgence comme nécessaire. En outre, la recourante avait déjà expliqué de manière plausible devant les instances précédentes qu'elle était au bord de la crise de nerfs et qu'après le troisième incident, elle n'avait plus su faire autrement que d'échapper aux pressions massives exercées par son mari sous forme de menaces de suicide répétées en se réfugiant dans la maison E. et en se séparant ainsi géographiquement.
Il existe donc suffisamment d'indices qui plaident en faveur de la nécessité d'un hébergement d'urgence. On ne comprend pas comment l'instance précédente a pu malgré tout arriver à la conclusion contraire. Contrairement à la compréhension de l'instance précédente, la nécessité d'une fuite vers l'hébergement d'urgence ne peut pas être niée en raison du fait que la recourante n'a pas été en même temps victime ou menacée de violences physiques de la part de son mari. Dans la mesure où l'instance inférieure en déduit que la situation de la recourante n'était pas aiguë par rapport à d'autres cas de violence domestique, elle se trompe, d'autant plus que, selon son témoignage crédible, elle était proche de la crise de nerfs. En raison de la situation de crise aiguë, il est compréhensible que la plaignante ait cherché refuge dans la maison E. Dans le contexte de contraintes répétées, un séjour dans un hébergement d'urgence semble tout à fait approprié pour assurer ou rétablir l'intégrité psychique de la personne concernée par la création d'une distance physique. Le fait qu'elle ait pu quitter l'hébergement d'urgence après quelques jours n'y change rien.
Il est en tout cas démontré de manière crédible que le séjour dans l'hébergement d'urgence, et donc la création d'une distance, étaient nécessaires dans la situation de crise aiguë et ont conduit au succès souhaité. La mesure s'avère également appropriée, d'autant plus que le traitement psychologique ambulatoire chez le Dr. F. n'a manifestement pas suffi à lui seul à stabiliser le psychisme altéré de la recourante. En outre, selon ses dires, elle n'a pas pu aller voir sa famille, car celle-ci aurait également exercé des pressions sur elle pour qu'elle maintienne le mariage. L'argument de l'instance inférieure, selon lequel une intervention centrée sur le mari (par exemple sous la forme d'une garde à vue ou d'un hébergement temporaire) aurait été plus prometteuse, est insoutenable. Un tel point de vue est en contradiction avec le but de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions, qui vise la protection de la victime et non celle de l'auteur. Par conséquent, contrairement à l'avis de l'instance précédente, la question de savoir si l'aide immédiate en question aurait pu ou non empêcher le suicide menacé par le mari ne peut pas non plus jouer un rôle dans le cadre de l'évaluation de la proportionnalité de cette aide. Il convient par ailleurs de noter que la plaignante n'a apparemment pas reçu d'autre soutien de la part de la police lorsqu'elle l'a appelée, par désespoir et peur de son mari, suite au deuxième incident.
Consid. 6.6. Ainsi, l'appréciation des preuves de l'instance précédente s'avère également arbitraire dans ce contexte, en ce qu'elle n'a pas considéré comme crédible le fait qu'il y avait un besoin urgent d'agir suite à l'infraction et que l'hébergement d'urgence était donc nécessaire, approprié et adéquat dans le cas d’espèce.
En définitive, le recours est entièrement admis.
III. Analyse
A. But de la LAVI
L’aide aux victimes a notamment pour but d’apporter aux victimes d’infractions l’assistance dont elles ont besoin. Cette aide est financière, mais également morale, et couvre ainsi un panel étendu de prestations (assistance médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique) [1].
Dès sa création, l’aide aux victimes a été conçue de manière large[2]. C’est avec cette conception étendue qu’il y a lieu d’apprécier l’application de la LAVI et c’est de cette manière que le Tribunal fédéral a examiné la situation qui nous occupe.
B. Qualité de victime (consid. 4 et 5)
Dans un premier temps, le Tribunal fédéral a examiné dans quelle mesure la recourante pouvait bénéficier de la qualité de victime. Il s’agit en effet de la première étape qui permet de déterminer si une personne a droit ou non aux prestations découlant de la LAVI.
La qualité de victime LAVI suppose la réalisation de trois conditions cumulatives (art. 1 al. 1 LAVI) [3] :
- la commission d’une infraction au sens du Code pénal suisse ;
- l’existence d’une atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle de la personne ;
- le lien de causalité entre l’infraction et l’atteinte.
S’agissant de l’appréciation de ces conditions, le Tribunal fédéral a rappelé que les exigences relatives à la preuve varient en fonction du moment où l’aide est demandée ainsi que de son genre et de son étendue[4]. Lorsqu’une procédure pénale n’est pas encore ouverte, le degré de preuve se limite à la vraisemblance, respectivement la vraisemblance prépondérante[5]. Cet abaissement du degré de preuve s’applique à l’ensemble des conditions susmentionnées[6]. Aussi, lorsque l’aide demandée se rapporte à l’aide immédiate, le degré de preuve se limite à la vraisemblance[7], en particulier afin de ne pas faire obstacle au but de la prestation qui se veut urgente.
Dans le cas présent, le Tribunal fédéral a confirmé qu’en cas de doute, la prestation devait être fournie à la victime, en particulier en cas de préjudice exclusivement psychique, puisque ces atteintes ne peuvent bien souvent être constatées qu’après plusieurs examens[8]. L’on ne peut que confirmer cette interprétation, ce d’autant plus que le but même de l’aide aux victimes est notamment d’offrir aux victimes une assistance psychologique (art. 14 al. 1 LAVI). Cela n'aurait dès lors pas de sens de requérir une preuve stricte d’atteinte alors même que c’est bien l’aide psychologique fournie qui pourrait, à terme, mener à un diagnostic précis de l’atteinte subie. Cette appréciation serait néanmoins différente en cas de demande d’indemnisation ultérieure du tort moral, le degré de preuve étant, dans ce cas, plus élevé[9].
Afin de bénéficier de la qualité de victime, le Tribunal fédéral a également rappelé que l’atteinte à l’intégrité devait revêtir une certaine intensité. Ainsi, une atteinte légère de courte durée et ne dépassant pas le moment de l’acte ne permet pas de fonder la qualité de victime[10].
Dans son considérant 4.4, le Tribunal fédéral mentionne un élément essentiel de la systématique de la LAVI. Il indique qu’il n’est pas possible de partir du principe que l’ampleur ainsi que la gravité de l’atteinte et donc la qualité de victime, sont soumises à des exigences plus ou moins élevées selon le type et le coût de la prestation d’aide. Pour reprendre notre Haute Cour, soit la personne est considérée comme victime au sens de l’art. 1 al. 1 LAVI, soit elle ne l’est pas. Ainsi, si au stade de l’aide immédiate, la personne concernée est considérée comme une victime, elle a droit aux prestations de la LAVI, sous réserve des conditions spécifiques d’octroi de celles-ci. Dans le cas d’un hébergement d’urgence, il sera uniquement nécessaire d’examiner les conditions d’octroi de l’aide immédiate qui figurent aux art. 13 al. 1 et 14 al. 1 LAVI. La question de la gravité de l’atteinte n’a pas à être examinée de nouveau.
Dans le cas présent, le Tribunal fédéral a considéré que la recourante bénéficiait de la qualité de victime au moment de sa demande d’aide immédiate. En effet, les menaces répétées de suicide de son conjoint remplissaient les conditions de réalisation de l’infraction de contrainte et étaient vraisemblablement de nature à porter une atteinte non négligeable à son intégrité psychique. L’atteinte était d’une intensité suffisante pour justifier d’accorder la qualité de victime à la recourante. De manière générale, la Haute Cour a également rappelé qu’une atteinte psychique seule suffit et que le statut de victime n’est pas subordonné à une atteinte (ou menace d’atteinte) physique supplémentaire, ce qui ressort expressément de l’art. 1 al. 1 LAVI[11].
C. Hébergement d’urgence (consid. 6)
Dans un second temps, le Tribunal fédéral a examiné dans quelle mesure l’aide immédiate sous forme d’hébergement d’urgence était une prestation nécessaire à la recourante.
Il ressort des art. 13 al. 1 et 14 al. 1 LAVI que l’aide immédiate peut prendre différentes formes, y compris si nécessaire la mise à disposition d’un hébergement d’urgence à la victime. Cette aide a pour but de répondre aux besoins les plus urgents de la victime et d’aider celle-ci à surmonter les conséquences de l’infraction[12].
Le Tribunal fédéral a ainsi eu l’occasion de préciser que l’aide immédiate est une mesure de première nécessité[13] qui doit toujours être fournie lorsque la situation de la victime, directement provoquée par l’infraction, l’exige et qu’elle ne peut être différée[14].
En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, notre Haute Cour rappelle qu’il s’agit d’une aide expressément mentionnée dans la loi et que le législateur a souhaité promouvoir les centres d’hébergement[15]. Elle précise que cette aide n’est fournie que si elle est nécessaire, appropriée et adéquate[16].
Dans le cas présent, le Tribunal fédéral a considéré que le séjour dans un hébergement d’urgence était nécessaire et adéquat et par conséquent approprié à la situation de la recourante afin de rétablir son intégrité psychique[17].
On soulignera que le Tribunal fédéral a fermement rejeté l’argument de l’instance précédente selon lequel une intervention centrée sur le conjoint de la recourante[18] était préférable à l’octroi d’un hébergement d’urgence à celle-ci. En effet, pour rappel, le but de la LAVI est de se centrer sur les victimes et de les protéger et non pas d’intervenir auprès des auteurs. Ceci correspond également au Message du Conseil fédéral, qui indique que les hébergements d’urgences peuvent être nécessaires en cas de violences intrafamiliales[19].
Enfin, Notre Haute Cour a encore une fois rappelé qu’une atteinte psychique seule suffit et que des violences physiques ne sont pas nécessaires en sus afin de justifier un hébergement d’urgence.
D. Conclusion
Bien que l’application des dispositions de la LAVI en lien avec la qualité de victime et l’octroi des prestations peut sembler aisée au premier abord, le cas d’espèce démontre qu’en pratique, les victimes peuvent faire face à des situations dans lesquelles le but même de la loi n’est pas respecté.
L’arrêt 1C_653/2022 du Tribunal fédéral est donc bienvenu, puisqu’il permet de clarifier la situation en ce sens qu’il n’est pas possible de partir du principe que l’ampleur ainsi que la gravité de l’atteinte et donc la qualité de victime, sont soumises à des exigences plus ou moins élevées selon le type et le coût de la prestation d’aide. Ainsi, si au stade de l’aide immédiate, la personne concernée bénéficie du statut de victime, elle a droit aux prestations de la LAVI, sous réserve des conditions spécifiques d’octroi de celles-ci. Il n’est pas possible de créer des catégories de victime selon l’intensité de l’atteinte subie, et encore moins d’y conditionner l’octroi de prestations plus ou moins coûteuses ou plus ou moins étendues. Au contraire, soit la personne est considérée comme une victime, soit elle ne l’est pas.
[1] FF 1990 II 909 p. 919, FF 2005 6683 p. 6702 et art. 14. al. 1 LAVI.
[2] FF 1990 II 909 p. 924, FF 2005 6683 p. 6722 s. et 6759.
[3] Cédric MIZEL, La qualité de victime LAVI et la mesure actuelle des droits qui en découlent, in: JdT 2003 IV p. 38s., spéc. p. 42 ; recommandations CSOL-LAVI, p. 8, chapitre 2.1.
[4] MIZEL, op. cit., p. 51.
[5] Pour le détail, voir le consid. 4.1 de l’arrêt supra.
[6] En ce sens, consid. 5.4 supra en lien avec le lien de causalité.
[7] Recommandations CSOL-LAVI, p. 14, chapitre 2.8.1.
[8] Pour le détail, voir le consid. 4.3.1 de l’arrêt supra ; voir également MIZEL, op. cit., p. 51 et dans une certaine mesure les recommandations CSOL-LAVI, p. 14, chapitre 2.8.1.
[9] Cf. consid. 4.1 de l’arrêt supra.
[10] MIZEL, op. cit., p. 42 ; cf. également consid. 4.2 supra.
[11] Cf. consid. 4.3.3 et s.
[12] FF 1990 II 909 p. 919, 926 ; FF 2005 6683 p. 6702, 6724 ; MIZEL, op. cit., p. 73 ; recommandations CSOL-LAVI, p. 21, chapitre 3.3.2.
[13] Recommandations CSOL-LAVI, p. 21, chapitre 3.3.2.
[14] Cf. consid. 6.2 supra.
[15] FF 2005 6683 p. 6721.
[16] Voir également FF 2005 6683 p. 6731.
[17] Pour le détail, voir le consid. 6.5 supra.
[18] Vraisemblablement afin de l’empêcher de se suicider (consid. 6.5 supra).
[19] FF 2005 6683 p. 6731.
Accès direct à l'arrêt (https://www.bger.ch)